Contexte et intrigue

Jour de rentrée à Harvard, la célèbre université américaine. Les premières années tentent de retrouver leur chemin parmi les bâtiments, les deuxièmes années regagnent leurs chambres en regardant d’un air amusé leur cadet, oubliant qu’un an plus tôt ils étaient à leur place tandis que les troisièmes années se sentent comme chez eux et se promettent de faire de cette ultime année d’étude la meilleure. Il y a toujours la même hiérarchie, quelle que soit l’époque, quel que soit le lieu : les filles populaires et les sportifs d’abord, ensuite les intellos puis les paris, ceux qui vive en marge des autres et qui se croient rejetés. Cette dernière catégorie d’étudiant n’est pourtant pas la moins sympa ou la moins intéressante du campus, mais les traditions ont toujours du mal à bouger.

Accoudé à la fenêtre de son bureau dans le bâtiment principal, le directeur souriait à l’effervescence générale des étudiants regardant leur nouvelle maison pour l’année à venir. A part les marques du temps et des épreuves, le visage de Kyle Bash n’avaient pas beaucoup bougé. On sentait plus de gravité dans ses traits mais son regard doux et protecteur restait identique à celui qu’il avait adressé aux familles des victimes dix ans plus tôt. Il était l’un des seuls qui n’avait pas oublié, dont la mémoire des cinq étudiants hantait parfois les nuits. Leurs visages l’épiaient tous les jours, accrochés au mur, en face de son bureau d’acajou. Bash essayait de ne pas y penser, et au fil des ans il avait même réussit à ranger ces évènements dans un coin de sa mémoire. Il regardait l’avenir sans apprendre de ses erreurs passées.

Pendant ce temps, quelqu’un d’autre se remémorait les meurtres de la bibliothèque. Le directeur d’Harvard n’était pas le seul à ne pas avoir oublié…

Quand il avait entendu la voix de son adjoint résonner dans le combiné du téléphone, Kyle Bash n’y cru pas, il ne voulait pas y croire. Ses yeux se fermèrent après qu’il eut raccroché. Le directeur fuyait le regard condamnateurs des cinq photos en face de lui. La devise d’Harvard allait être bafouée, une nouvelle fois.

Bash n’aimait pas la bibliothèque, en dix ans il n’y était re rentré que deux fois, pour des raisons exceptionnelles. Ce moment ; il l’avait redouté, il avait espéré qu’il ne se produirait jamais. Mais le destin est cruel. Les étagères abritant les livres étaient toujours aussi sombres. Le calme serein et l’odeur du papier et de l’encre a demi effacée par le temps restaient identiques à ses souvenirs. D’ailleurs le directeur sentait le même mal être qui lui avait pris l’estomac dix ans plus tôt. Une boule commençait à se former dans la gorge et son costume trois pièces lui tenait soudainement très chaud.

La première chose à laquelle il pensa en voyant la nouvelle victime (Allée B, section 9 : arts de la table), ce fut le visage de Lisa Drake. Cette étudiante qui, avec son débardeur rose ensanglanté, l’empêchait de fermer l’œil même longtemps après les faits. Son cœur se souleva à la vue du sang répandu au sol. On croit qu’après cinq malheureuses victimes et ces nombreuses années on est « habitué ». Mais même les plus durs enquêteurs ou criminologue vous le dirons : la vue de quelqu’un inerte à terre, dont la vie faisait pétiller les yeux quelques heures plus tôt, est toujours choquante. Les mêmes reflets écarlates, la même odeur sourde de fer, les mêmes murmures, tous rappelaient à Bash les moments d’horreur passée. Il ne se rendait pas compte que la suite allait être pire… Un livre était tombé près de la victime, il s'était ouvert lors du choc avec le sol. Sur une page pleine, il affichait son titre : Seize the Day, Saisi le jour, comme un message d'espoir dans ce lieu du crime.

Grace était en troisième année à Harvard, elle étudiait l’informatique et se montrait très brillante. Son avenir prometteur avait toutefois été compromis quand le couteau s’était enfoncé dans la chair au niveau du cœur. Comme en 1998, Kyle Bash ne pouvait pas se permettre de parler de meurtre et le décès de l’étudiante passa pour une overdose. Cette version fut mal digérée par la famille et les amis qui s’imaginait mal une jeune fille réservée et dont la joie de vivre était présente a chaque instant, se droguer. La pilule eut autant de mal à passer pour les victimes suivantes.

Le nombre d’étudiants tués dans la bibliothèque Widener venait de nouveau d’atteindre le nombre de cinq. Quatre garçons en plus de Grace. Leurs photos avaient rejoint celles de 1998, comme un tableau d’honneur morbide que le directeur contemplait chaque jour. Dès la seconde victime, l’inspecteur s’était entretenu sérieusement avec Bash. Il y avait deux possibilités toutes les deux aussi effrayantes : soit un innocent avait été arrêté en 1998 et aujourd’hui le véritable tueur revenait faire des siennes, soit quelqu’un prenait un malin plaisir à l’imiter en se montrant beaucoup plus intelligent…

Il y eut rapidement des fuites et bien vite tout Harvard parla de meurtres mystérieux dans la bibliothèque Widener. La rumeur se répandit comme une traînée de poudre que le tueur était un élève, puis des soupçons se portèrent sur un élève de troisième année qui travaillait de temps en temps comme bibliothécaire. Mais sans preuves la police était impuissante.